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Les styles d’investissement en bourse

Comprendre et choisir un style qui vous correspond est essentiel pour survivre dans le monde agité de la bourse. Cela permet non seulement de structurer votre approche, mais aussi de rester discipliné face aux turbulences inévitables du marché.

Définir une ligne de conduite claire aide à filtrer le bruit ambiant (« la bourse qui clignote »). Nous allons explorer ensemble les principaux types d’approches, en se concentrant sur l’analyse fondamentale. On verra pour conclure que j’ai beaucoup de choses à dire (en mal) de l’analyse technique.

Qu’est-ce qu’un style d’investissement ?

Un style d’investissement, c’est une philosophie, une boussole qui guide nos décisions d’investissement. Il s’agit d’un ensemble de principes et de critères que vous utilisez pour sélectionner des actions. Plutôt que de réagir impulsivement aux dernières nouvelles ou aux modes passagères, adopter un style vous donne un cadre cohérent pour évaluer les entreprises et les opportunités de placement.

Pourquoi est-ce si important ? Parce que l’investissement sans stratégie claire ressemble souvent à une traversée en mer sans carte ni compas. Vous risquez de prendre des décisions basées sur l’émotion – la peur de manquer une opportunité (FOMO) ou la panique lors d’une baisse – ce qui est rarement une bonne idée. Un style d’investissement bien défini vous aide à garder le cap, à rester rationnel et à construire votre portefeuille de manière méthodique sur le long terme, que ce soit via un compte-titres, un PEA ou une assurance-vie contenant des ETF (et parfois des titres vifs).

Chaque style a ses propres caractéristiques, ses avantages et ses inconvénients. Il n’y a pas de style universellement supérieur. Il faudra inévitablement passer par la pratique pour savoir ce qui vous correspond. Il faudra faire preuve de patience et de calme, car chaque style connait des succès et des revers. Il faudra passer par plusieurs phases de marchés pour « tester » vos réactions pendant les phrases de marchés qui ne favorisent pas votre approche. Il est facile d’être un investisseur growth en période de bulle, quelques mois après l’éclatement de la bulle, c’est une autre histoire…

L’investissement value : dénicher les bonnes affaires

L’investissement dans la valeur, ou value investing, est l’une des approches les plus anciennes et respectées en bourse. Popularisée par Benjamin Graham, le mentor de Warren Buffett, elle consiste à rechercher des actions dont le prix est inférieur à leur valeur estimée. En d’autres termes, les investisseurs value cherchent à acheter des entreprises de qualité à un prix décoté, un peu comme on chercherait des soldes sur des produits de marque.

Le concept clé ici est la « marge de sécurité ». En achetant une action bien en dessous de ce qu’elle vaut réellement selon votre analyse, vous vous donnez une marge d’erreur. Si votre estimation est un peu optimiste ou si l’entreprise rencontre des difficultés temporaires, cette décote initiale offre une protection contre les pertes importantes. L’idée est que le marché finit toujours par reconnaître la vraie valeur d’une entreprise solide, permettant à l’investisseur patient de réaliser un profit lorsque le cours de l’action remonte.

Cependant, cette approche n’est pas sans défis. Estimer la valeur intrinsèque d’une entreprise demande de solides compétences en analyse financière et une bonne dose de jugement. Il faut savoir distinguer une véritable bonne affaire d’un « value trap » – une entreprise bon marché qui le reste (ou baisse encore) parce que ses fondamentaux se détériorent durablement. C’est un style respectable, qui a fait ses preuves, mais qui demande rigueur, patience et un certain tempérament contrariant, car il faut souvent acheter quand tout le monde vend.

L’investissement growth : miser sur la croissance

À l’opposé du spectre, l’investissement dans la croissance, ou growth investing, se concentre sur les entreprises qui affichent une croissance rapide de leurs revenus, de leurs bénéfices, ou des deux (c’est encore mieux !). Ici, le prix actuel de l’action est moins important que le potentiel de croissance future. Les investisseurs growth sont prêts à payer plus cher pour une action si l’entreprise promet une expansion significative qui justifiera, à terme, cette valorisation élevée.

Ces entreprises se trouvent souvent dans des secteurs innovants ou en pleine expansion, comme la tech, la biotechnologie ou les énergies renouvelables. L’objectif est d’identifier les futures stars de la cote, ces fameux « multibaggers » chers à Peter Lynch capables de multiplier leur valeur par 10, 100, voire plus. Pensez aux géants de la tech à leurs débuts. Le pari est que leur croissance rapide finira par compenser largement le prix d’achat initialement élevé.

Ce style est souvent associé à des rendements potentiellement spectaculaires, mais il comporte aussi des risques élevés. On n’a rien sans rien… Les actions de croissance sont généralement plus volatiles et très sensibles aux changements de sentiment du marché ou aux variations des taux d’intérêt. Si la croissance attendue ne se matérialise pas, la perte peut être quasi totale. On peut apprécier ce style pour son dynamisme et son orientation vers l’avenir, mais il demande une bonne diversification et une capacité à supporter des montagnes russes émotionnelles. C’est un style passionnant quand on a le cœur bien accroché et une vision à long terme.

L’investissement quality : privilégier la qualité

L’investissement dans la qualité, ou quality investing, est une approche qui séduit de plus en plus d’investisseurs. Il est donc cher en ce moment… Il consiste à sélectionner des entreprises exceptionnelles, celles qui possèdent des avantages concurrentiels solides et durables — ce que Buffett appelle le « moat » ou « douves » (en français, ça le fait pas 😆) — associés à une rentabilité élevée et constante, un bilan solide et un management compétent. Le prix est une considération, mais la priorité absolue est la qualité intrinsèque et la pérennité du modèle économique. Le prix s’oublie, la qualité reste comme le dit l’adage populaire.

Les investisseurs quality sont des collectionneurs de « chefs-d’œuvre » entrepreneuriaux. Leur objectif n’est pas de faire des allers-retours rapides, mais d’acheter ces entreprises pour les conserver très longtemps, idéalement pour toujours (« buy and hold »). Ils misent sur la puissance des intérêts composés : une entreprise de grande qualité qui réinvestit ses bénéfices de manière judicieuse verra sa valeur croître au fil des décennies. C’est une approche qui demande de la patience et une grande discipline pour ne pas vendre lors des corrections de marché.

L’avantage principal est une certaine tranquillité d’esprit. Investir dans des entreprises robustes et rentables est souvent moins stressant. Le risque principal est de se tromper sur la qualité réelle ou sa durabilité, ou de payer un prix vraiment excessif. Comme on passe beaucoup de temps à analyser chaque entreprise, les portefeuilles sont souvent plus concentrés, ce qui augmente l’impact d’une éventuelle erreur. C’est, une stratégie élégante et puissante pour construire son patrimoine sur le long terme… à condition de savoir choisir reconnaître la qualité durable ! Pas si facile quand on vise à 20 ou 30 ans.

L’investissement rendement : la chasse aux dividendes

L’investissement axé sur le rendement consiste à sélectionner des actions principalement pour les dividendes qu’elles versent régulièrement à leurs actionnaires. L’attrait est évident : percevoir un revenu passif régulier, un peu comme des loyers immobiliers, mais via la bourse. C’est une stratégie populaire auprès des investisseurs débutants. On a tous commencé à lister sur Boursorama les entreprises à plus fort dividende…

Le problème ? D’abord, un dividende n’est jamais garanti et peut être réduit ou supprimé si l’entreprise va mal. Ensuite, se focaliser uniquement sur un rendement de dividende élevé peut conduire à sélectionner des entreprises de qualité médiocre. Un rendement très élevé peut être le signe d’une entreprise en difficulté dont le cours de l’action a chuté (le rendement étant le dividende divisé par le cours), ou d’une entreprise qui distribue trop de ses bénéfices au lieu de les réinvestir pour sa croissance future ou, encore pire, une entreprise qui distribue ses bénéfices parce que son business n’en vaut pas la peine. On risque alors une baisse de la valeur du capital investi qui annule, voire dépasse, les dividendes. Au passage, vous aurez la joie d’avoir payé des impôts sur les dividendes perçus. 

Une approche plus saine consiste à rechercher des entreprises de qualité capables de faire croître leur dividende de manière durable au fil du temps, même si le rendement initial est plus modeste. On arrive alors sur une stratége de dividendes croissants, plus raisonnable, mais également très populaire. On a d’ailleurs données un nom aux entreprises qui augmentent les dividendes depuisau moins 25 années consécutives : les Dividend Aristocrats. Mes hommages !

L’investissement passif : l’efficacité sans efforts

L’investissement passif est une approche radicalement différente qui a gagné énormément en popularité ces dernières années, notamment grâce aux ETF (Exchange Traded Funds), aussi appelés trackers. L’idée n’est pas de chercher à battre le marché en sélectionnant les « meilleures » actions, mais simplement de répliquer la performance d’un indice boursier large (comme le CAC 40, le S&P 500 ou un indice mondial comme le roi MSCI World).

Cette stratégie repose sur le constat qu’il est extrêmement difficile, même pour les professionnels, de surperformer le marché de manière constante sur le long terme. En achetant un ETF qui suit un indice, vous obtenez instantanément une large diversification à travers des centaines, voire des milliers d’entreprises, et ce, à des coûts très très faibles. Vous captez ainsi la performance moyenne du marché, qui historiquement est positive sur le long terme.

C’est une stratégie simple, transparente et peu coûteuse, idéale pour les débutants ou ceux qui n’ont ni le temps ni l’envie de se consacrer à l’analyse d’entreprises individuelles. A vrai dire, c’est surement la seule statégie raisonnable dans 95% des cas. Elle permet de faire travailler son épargne efficacement en profitant de la croissance économique globale. On peut facilement mettre en place cette stratégie via un PEA, un compte-titres ou certaines assurances-vie proposant des ETF.

L’analyse technique : un cas à part

L’analyse technique ne constitue pas un « style d’investissement » au même titre que les approches fondamentales (Value, Growth, Quality). Elle se base sur l’étude des graphiques de cours passés et des volumes de transactions pour tenter de prédire les mouvements futurs des prix. Elle utilise des figures chartistes, des indicateurs mathématiques et d’autres outils pour identifier des tendances et des points d’entrée ou de sortie.

Soyons clairs : l’analyse technique relève davantage de l’astrologie que de l’investissement. Contrairement aux approches fondamentales qui s’intéressent à la valeur réelle et aux perspectives des entreprises, l’analyse technique ignore ces aspects. Ses fondements théoriques sont inexistants et les études académiques sérieuses n’ont jamais démontré son efficacité de manière probante sur le long terme. Le succès apparent de certains « gourous » relève souvent plus du marketing (pour rester poli).

Si elle est très populaire, c’est sans doute parce qu’elle donne l’illusion de pouvoir prévoir l’imprévisible et qu’elle semble plus accessible que l’analyse financière approfondie. Elle peut éventuellement servir d’outil complémentaire pour affiner un timing d’achat ou de vente basé sur une analyse fondamentale préalable, mais c’est alors une béquille psychologique, une aide à l’action.